Jean BREANT (1922-1984)
Orphée devait ressembler à Jean Bréant. Sur les tableaux des vieux maîtres qui représentent le jeune poète thrace fascinant par ses chants tous les animaux de la création, au nombre desquels les oiseaux se distinguent par leur taches multicolores et légères, on reconnaît notre peintre en ses traits les plus personnels. Il avait le don de jeunesse, que manifestait l’alacrité de sa silhouette, sa rapidité et son insouciance. Il avait le don d’ingénuité, qui se traduit par le pouvoir d’émerveillement. Il avait conservé toute sa vie la faculté de passer de la plus libre gaieté à une mélancolie nourrie d’inquiétude et de doute. Par bonheur, le lien qui rassemblait chez lui ces traits de caractère était le talent pour les exprimer. Les contradictions de son âme se lisent à travers les contradictions de son art : voilà au moins un miroir dont on sait qu’il n’est pas trompeur.
Il a bien dû arriver à Jean Bréant, si intensément musicien, de chanter l’air fameux de la déploration d’Orphée. Dans sa nuit personnelle, dans le labyrinthe de l’enfer à quoi peuvent ressembler parfois les sentiers de la création, je l’imagine, inquiet, à la recherche d’Eurydice; mais cette Eurydice qu’il poursuit, c’est son art, c’est son âme. Ce n’est plus l’image de l’enchanteur qui attendrissait jusqu’aux rochers, entouré d’un bestiaire sous le charme, mais une autre image qui s’impose à nous, celle du feu follet glissant sur l’étendue de velours noir que dessine le lamento de GIück.
François Bergo!
Conservateur en chef des Musées de France Conservateur des Musées de Rouen
{artzoomin smallImage= »images/galerie/breant/BREANT_cote_sauvage_pt.jpg » bigImage= »images/galerie/breant/BREANT_cote_sauvage.jpg »/} |
La côte Sauvage, QuiberonTechnique : Huile sur toile |
|||